Quantcast
Channel: La Mort – les 7 du quebec
Viewing all articles
Browse latest Browse all 11

La vie et la mort de Louis-Philippe

$
0
0

 

Unknown

DOMINIQUE BOISVERT :
J’ai un neveu nommé Louis-Philippe. Il a eu une vie difficile et pleine d’accrochages, même avec ses proches. Il était à la fois très attachant et pouvait se montrer détestable. Il mettait l’espoir à rude épreuve, le sien et celui des autres. Il a vécu avec intensité, brûlant trop souvent la chandelle par les deux bouts. À 38 ans, son coeur prématurément vieilli l’a lâché, sans prévenir: stupeur et consternation!

Au salon funéraire, comme c’est parfois le cas, des aspects méconnus de sa vie ont fait surface: amitiés, réseaux et attachements; des souvenirs aussi qui replaçaient les perspectives; une ouverture, enfin, à sa différence et à son parcours sinueux.

La mort, mystérieusement, fait (re)voir la vie différemment. C’est peut-être elle, finalement, qui lui donne sa vraie perspective.

Aux funérailles à l’église, voulues par sa famille, la préoccupation dominante était de «rendre vraiment justice à Louis-Philippe» et de faire vivre une célébration pleine de sens à tous ceux et celles qui étaient réunis autour de sa mémoire, qu’ils soient croyants ou non. Le célébrant, un prêtre originaire du Burundi, la mère de Louis-Philippe, qui avait préparé la cérémonie avec le célébrant, et moi-même qui m’étais offert pour prononcer l’homélie, partagions tous le même objectif.

Les chants comprenaient aussi bien le classique (le Lacrymosa et l’Ave Verum de Mozart, l’Ave Maria de Gounod ou le Panis Angelicus de Cesar Frank) que le contemporain (Non, je ne regrette rien d’Edith Piaf, I Did It My Way de Frank Sinatra ou Le coeur est un oiseau de Richard Desjardins). Les lectures choisies puisaient aussi dans l’Ancien et le Nouveau. Mais tout et tous cherchaient à faire du sens avec un événement qui, en apparence, n’en avait pas.

Je partage ici, avec la permission de la famille, les lectures proclamées et l’homélie que j’ai prononcée.

La prière pauvre
(poème de Marie Noël, tiré de Notes intimes, Éditions Stock, 1959, p. 41)

Mon Dieu, je ne vous aime pas,
je ne le désire même pas,
je m’ennuie avec vous.
Peut-être même que je ne crois pas en vous.

Mais regardez-moi en passant.
Abritez-vous un moment dans mon âme,
mettez-la en ordre d’un souffle,
sans en avoir l’air, sans rien me dire.

Si vous avez envie que je croie en vous,
apportez-moi la foi.
Si vous avez envie que je vous aime,
apportez-moi l’amour.
Moi, je n’en ai pas et je n’y peux rien.

Je vous donne ce que j’ai:
ma faiblesse, ma douleur.
Et cette tendresse qui me tourmente
et que vous voyez bien…
Et ce désespoir…
Et cette honte affolée…
Mon mal, rien que mon mal…
C’est tout!

Et mon espérance!

Bonne Nouvelle tirée de l’Évangile de Mathieu (chapitre 25)

31 « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire.
32 Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs :
33 il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
34 Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde.
35 Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ;
36 j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”
37 Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ?
38 tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ?
39 tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?”
40 Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”

Commentaires sur les textes à partir de la vie de Louis-Philippe
Bonjour à vous tous et toutes,

Parents (pères, mère, frères, soeurs, oncles, tantes, cousins, cousines),
amis et connaissances de Louis-Philippe,
peut-être même simples passants ou curieux…

Nous sommes tous réunis cet après-midi autour de Louis-Philippe…
Et donc frères et soeurs, parce que fils et filles d’un même Père,
que les chrétiens appellent Dieu
et que d’autres appellent simplement le mystère de la Vie…

Soyez les bienvenus
et remerciés pour votre présence parmi nous.

Comme plusieurs d’entre vous, j’ai beaucoup aimé Louis-Philippe.
Même si on ne se voyait pas souvent, les liens étaient toujours spontanés, forts et chaleureux.

Et je veux remercier sa famille,
et l’abbé Léopold,
de me permettre de commenter les textes que nous venons d’entendre:
c’est un cadeau que Louis-Philippe me fait en partant.

Pour cet après-midi, nous formons la famille de Louis-Philippe,
réunie dans une église
pour une célébration religieuse de ses funérailles.

Pourtant, chacun et chacune de nous est bien différent.
Certains sont croyants et pratiquants,
d’autres se disent croyants mais ne vont plus à l’église,
d’autres se disent non-croyants, agnostiques ou athées.
Et d’autres sont tout simplement indifférents ou ne se posent pas la question.

Tous et toutes, vous avez votre place ici,
parce que vous avez aimé Louis-Philippe ou ses proches
et que c’est l’Amour qui nous réunit.

Toute sa vie, Louis-Philippe a cherché.
Il a cherché l’amour, la reconnaissance, l’estime,
il a cherché des connaissances (il en avait beaucoup et il était un redoutable concurrent dans les jeux de questions-réponses),
il a cherché un métier qu’il aimerait pratiquer,
il a cherché des réponses sur les injustices, les défis du monde et sur le sens de la vie…

Il a souvent cherché «à la dure».
Comme on dit ici, «il ne l’a pas toujours eu facile!»
Mais il a continué à chercher,
même à tâtons,
obstinément…
Et il commençait, semble-t-il, à trouver…

Nous aussi, chacun à notre façon, nous cherchons peut-être.
Et même ceux qui pensent savoir,
qui pensent avoir trouvé,
ont souvent plein de doutes,
d’obscurités, d’ennui, de pannes de désir,
et parfois même de découragement…
Comme la poétesse Marie Noël dans sa «pauvre prière»…

Mais ce qui nous rassemble aujourd’hui, c’est l’amour de Louis-Philippe,
celui que nous lui avons porté ou manifesté,
et celui que Louis-Philippe a partagé autour de lui…

L’amour des bières (nombreuses) bues entre amis,
l’amour des si bons plats qu’il avait appris, depuis quelques années, à mitonner pour nous,
l’amour des accolades bien senties qu’on échangeait avant de se quitter,
et même l’amour des «coups de gueule» devant ce qu’il ressentait comme des injustices…

Car l’amour est simple,
l’amour est quotidien,
l’amour est infiniment multiple
et l’amour est l’essentiel.
Le seul essentiel.

Comme Jésus nous le rappelle dans sa Bonne Nouvelle rapportée par son disciple Mathieu que nous venons d’entendre,
ce texte que nous appelons la parabole (ou l’histoire) du Jugement dernier:
quand vient le moment de vérité,
le seul qui compte vraiment,
Dieu va appeler les siens dans son Royaume.
Qui sont-ils? Et pourquoi?
«Car j’avais soif, et vous m’avez donné à boire
«j’avais faim, et vous m’avez donné à manger
«j’étais nu, et vous m’avez vêtu
«j’étais prisonnier, et vous m’avez visité
«j’étais étranger, et vous m’avez accueilli.»

Exactement la même chose que dans la très belle chanson de l’Auvergnat, de Georges Brassens le mécréant:

Elle est à toi, cette chanson,
Toi, l’Auvergnat qui, sans façon,
M’as donné quatre bouts de bois
Quand, dans ma vie, il faisait froid,
Toi qui m’as donné du feu quand
Les croquantes et les croquants,
Tous les gens bien intentionnés,
M’avaient fermé la porte au nez…
Ce n’était rien qu’un feu de bois,
Mais il m’avait chauffé le corps,
Et dans mon âme il brûle encor’
A la manièr’ d’un feu de joi’.

Toi, l’Auvergnat quand tu mourras,
Quand le croqu’-mort t’emportera,
Qu’il te conduise, à travers ciel,
Au Père éternel.

Comme quoi la Bonne Nouvelle de Jésus,
qu’on appelle aussi l’Évangile,
n’est pas si loin de notre vie bien concrète,
et de nos poètes,
qu’ils soient des nôtres ou en apparence bien éloignés…

Et quand les gens demandent à Dieu:
«Mais quand avons-nous bien pu te donner à boire ou à manger, te vêtir, te visiter ou t’accueillir?»
celui-ci répond: «C’est chaque fois que vous l’avez fait pour le plus petit d’entre les miens,
pour cet itinérant sur la rue,
pour cette jeune fugueuse dans le métro,
pour cet ivrogne qui quête sa prochaine bière,
pour ce bum ou ce bandit qu’on vient d’envoyer en-d’dans pour un bout’,
pour ces Syriens, ces Africains ou ces Afghans qui frappent à nos portes par milliers…
c’est à moi que vous l’avez fait!»

L’amour,
tout simple,
ordinaire,
quotidien.
Toujours l’amour.

Le verre d’eau n’est pas chrétien.
Les vêtements et la bouffe non plus.
Pas plus que les visites en prison ou l’accueil des réfugiés.
Mais l’amour est chrétien,
parce que l’amour est de Dieu.
Parce que l’amour est Dieu.

Louis-Philippe a cherché l’amour,
toute sa vie.
Louis-Philippe a maintenant trouvé l’amour.
C’est ma foi et mon espérance.

Merci, Louis-Philippe, de nous avoir rassemblés aujourd’hui.
Et merci de nous avoir donné cette occasion de découvrir,
ou de re-découvrir,
l’essentiel de l’amour dans nos vies:
cet Amour qui nous est offert en permanence,
sans condition aucune,
et qu’il nous appartient d’accueillir.
Si nous le voulons bien…

(Textes partagés aux funérailles de Louis-Philippe, le 5 mars 2016, dans la très belle petite église patrimoniale de St-Félix de Cap-Rouge)


Viewing all articles
Browse latest Browse all 11

Latest Images





Latest Images